poème
Au pas, au pas...
Le 09/05/2014
Les rubalises* frémissent sous les petites rafales de vent.
Elles virevoltent mais restent là, s'accrochent entre elles.
La fréquence et l'intensité de la rafale qui les secoue donnent à leur sonorité éphémère une couleur chatoyante, une durée intense.
Elles chantent parfois, crient, vrillent et leurs soupirs lancinants font suspendre instantanément tous les soubresauts humains environnants.
Les barrières semi- grillagées tremblotent en canon sans chavirer. Nombreuses, alignées. Envahissantes. Changeantes.
Le temps s'est posé là, un instant,
le ciel d'un bleu limpide et profond semble suspendu aux morceaux blancs fibreux qui le traversent,
ça et là.
Les bâtisses ravalées se découpent dans le paysage,
les innombrables fenêtres qui donnent sur la place, les places, entre ouvertes, vitres réfléchissantes,
donnent le ton de la saison journalière.
La cité est calme, empreinte de silence.
Verticalité citadine,
niveaux aléatoires,
histogramme protéiforme ce quartier,
toitures plates,
déstructurées, pousses vertes en infiltration,
pendaison de linge et lampes de cuivre, lustrées, belles.
Les lignes horizontales des ruelles, multiples et changeantes,
sillonnent le village, créant des raies de lumière.
Ça et là.
Les petits bruits et sonorités sont moindres.
Aujourd'hui.
Un jour férié.
Au loin, un saxophone rompt la monotonie des martèlements habituels locaux,
Entrecoupé de verres entrechoqués, en terrasse, de chaises raclées, déplacées,
des pas des autochtones frôlant les gravas, enchaussés, sandalés.
Empoussiérés par cette pellicule blanchâtre qui recouvre le sol endormi des routes en friche.
Crissement des graviers, envolée de poussière,
Chaque passant a sa technique,
la marche sur espace modifié.
Esquiver les amas et monticules, sol mouvant,
Enjamber les pierres qui parsèment le sol,
le jardin ici est aride.
Lever les pieds à chaque petit pas en avant,
marcher la tête penchée, les yeux vissés au sol,
pour observer, ralentir le pas,
ou bien snober ces modifications terrestres,
maintenir de façon délibérée les pas quotidiens des chemins empruntés.
Cause de quotidienneté perturbée, maintenir les pas, traces prégnantes,
préhension de cet espace, de cet ensemble, en mutation.
Espoirs et craintes. Latence collective et attente appréhendée.
Et, le ginkgo est là,
il veille immobile,
ancré, rassurant.
Ses branches larges, épaissies par les années, aux veinures scarifiées marrons,
sont chargées de longues grappes lourdes de feuillettes vertes, foncées.
Le vent les fait frémir aux extrémités,
juste un p'tit peu, bruissement collectif, en chœur, puis repos.
Le ginkgo est le maître, protégé.
La palissade de planches qui entoure son tronc,
premier cercle protecteur,
fait armure.
La seconde, palissade, grillagée,
second cercle concentrique élargi,
délimite sa zone, son espace vital, au sol.
Chargé de terre, de copeaux, de brins clairs.
Les racines sont profondes et largement réparties en sous-sol,
venant sans doute frôler les restes archéologiques dénichés récemment,
aux abords des monuments gigantesques, érigés là.
Vestiges intacts de bâtisseurs anciens, la basilique et la flèche, symboles de l'ampleur architecturale locale.
La basilique chargée. Petits morceaux pierreux qui débordent.
Tableau contrasté avec le ciel,
Est-ce l'un ou l'autre qui embellit l'ensemble ?
Perceptible sur un temps dégagé.
En amont,
ses compagnons de route, au ginkgo,
lui font écho.
Se dressent alignés,
cinq guerriers, arc-boutés,
prévenants l'arrivée des bourrasques, du cours, plus haut.
Ils font écran. Et plus loin, un peu à part, le feuillus solitaire, surveille.
En aval, les fleuris.
Petits boutons roses délicatement accrochés aux branchettes,
encadrent les parties basses, noircies, de la basilique.
Verdure limitée, mais oxygénation nécessaire,
remplir les pores de la cité,
et des humanoïdes circulant, à la recherche du vert dans la ville,
délimité, aseptisé, au compte- gouttes.
Le vent souffle, encore, dans les bronches,
bronches encombrées,
de planches, de métaux, de pierres, de palettes,
matériaux divers enchevêtrés épars,
rendus dociles et praticables par les jouets, en place.
Tractopelles colorés, abandonnés là, sur l'aire de jeux,
déserte,
un chat errant traverse,
le temps d'un férié, le jour.
Un passant,
s'arrête,
achète son sandwich,
un pied dans la poussière,
l'autre sur la margelle en travaux,
conversation spontanée,
sur les probabilités d’élévation des sols,
prévention de la montée des eaux,
de potentielles crues garonnesques.
Prévoir un gilet,
au cas où.
Conseil avisé en ces temps fragiles.
Descendre l'allée, passer derrière la basilique,
la clôture en fer forgé qui l'entoure,
rouillée, interrompue.
Bientôt remplacée par une pimpante barricade.
Prévenir les envahissements et les hordes de badauds futures.
Préserver les jardinets environnants, trois, quatre.
Aux alentours,
Des devantures de commerces atypiques, dissociées.
Les couleurs, les stores, les vitrines
Disparité et diversité stimulantes de ce quartier.
Transformation des sols, modification de l'espace public,
Perturbations prévisibles.
L'âme.
Attention.
Aseptisation, uniformisation.
Étendards monochromes et mètre carré à l'envolée.
Prémices d'un lissage, d'une modification esthétique telle une pensée unique d'habillage urbain,
garantie d'une politique touristique plaquée, pour correspondre aux standards de villes déjà customisées.
Conserver, mettre en bocal ?
Les petites choses atypiques, d'ici.
Les particularités locales, pas de conservatisme,
simplement, préserver l'âme,
pour la dolce vita qui nous est si chère, ici.
Merci.
Stéphanie Michel. 8 mai 2014.
Poésie contextuelle.
In situ.
*rubande signalisation ou ruban de balisage ou rubalise ou parfois « ruban ferrari » ou « ruban dechantier » est un rubantextileaux couleurs vives servant principalement à la délimitationtemporaire de zones (chantier, secours, scènesde crime)ou de parcours.
« La bulle de savon (1) ou savoir manier les ficelles et la baguette » © (Nigéria)
Le 12/03/2014
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© | Le sang du Nigeria Linogravure (faite à la main), encres, support papier, format 15 x 15 cm, 2013. Vendu. |
© | Parures et ornements, signalétique et codes ethnographiques.
Linogravure (faite à la main), encres, support papier, format 23 x 23 cm, 2013. Vendu.
Revue Biblio- poème et illustrations- livre du Nigéria (2013).
Poème de saison "au square"
Le 12/03/2014
Le bleu du ciel,
parsemé de blancheur ça et là,
glisse entre les feuillages,
verts bruns, annonçant l'automne,
Des bouloches de feuilles recroquevillées déjà usées par le temps,
contrastent avec les feuilles vertes claires qui pendillent au bout de leur branche(tte).
Les nervures de l'arbre sont épaisses,
superposition de matière,
l'envie soudaine de les décoller légèrement au scalpel,
pour percevoir les strates planquées.
Deux couleurs, un peu de mousse par là,
du vert bouteille et une autre couleur bois indéfinissable que les Ikéa(istes) s'arracheraient pour sûr dans les allées numérotées...
Les murs de pierre s'emplissent de clarté, et réfléchissent,
prendre des forces pour l'hiver arrivant.
Les oiseaux se cachent au creux du tronc,
leurs piaillements aléatoires m'emplissent les oreilles,
fenêtre ouverte sur cour enclavée,
je les saisis,
ils font leurs petites affaires :
essayer de ne pas se faire emporter,
par les énormes gouttes d'eau que les averses déversent,
rester droit,
ne pas plier,
ne pas se faire détourner de son objectif alimenter le nid,
survivre dans cette jungle urbaine.
Ils le savent,
tous les ans,
dans un mois,
ils devront migrer,
les hommes oranges et blancs arriveront,
avec des engins,
ils tailleront à sec,
sans concession,
sans états d'âme,
juste parce qu'on leur a dit,
je sentirai alors, encore, l'acharnement de l'homme sur la nature, quand, vous savez , on sent l'arbre qui vibre, qui crie, qu'on le secoue, qu'on le dépouille de son long manteau vert, jaune, brun...
Les troncs nus et décharnés s'offriront aux passants,
les badauds envoyés par charter qui sont venus faire état de contemplation pour un instant,
s'en accommoderont.
Seul le mur empli de végétation ne désemplira pas, les petits hommes verts qui s'agitent dans la ville, viennent le chouchouter tous les jours, l'arroser, le rempoter, le consoler, lui parler, le raccommoder aux entournures.
Aujourd'hui,
le temps s'est posé là,
l'averse vient de cesser,
les fioritures du mur sont lourdes et boursouflées,
pleines,
elle pendent d'eau,
les sols sont opaques,
un plâtre épais s'est formé aux pieds des troncs,
Il est vide. Calme.
Faisant état de la vie passée ici. Au square.
Stéphanie Michel/ 6-10-2013/ square Vinet/ Bordeaux
L'anorak dans tous ses états.../ poème/ biblio livre des Pôles
Le 10/03/2014
Épaisseur molletonnée délicatesse de la matière,
enveloppée dans sa capuche, la femme remonte la fermeture à glissières
parfois avec ou sans,
pochettes, plein de pochettes,
la femme à pochettes,
mais n'y voyez-pas de non-sens, de bizarreries,
vous allez voir
au spectacle.
Elle glisse sa main dans la poche gauche,
effleurement d'un morceau de glace
enfin elle s'imagine
le contact glacé et géométrique de l'objet l'emporte,
c'est l'album d'Anorak,
eux
groupe de hardcore métal rock,
poche droite,
pas besoin d'enfouir sa main,
le magazine dépasse largement,
oui
les collecteurs de contes
contemporains?
Juste les dessins,
Anorak encore
le site internet.
Elle tira sur l'élastique
celui de la taille
pour sentir le vent s'engouffrer,
et la satisfaction de relâcher la tension
pour évaluer le degré de chaleur qu'elle maintenait
tout contre sa peau,
au travers,
rien ne passe au travers,
résistant,
la poche ventrale vissée dessus.
Elle entreprit de déplier le programme,
rabaissa ses manches,
toujours,
encore,
conserver la chaleur,
et commença à se délecter,
la pièce de théâtre commençait,
menée par la compagnie,
Anorak.
Elle était sereine,
tout était là.
Stéphanie Michel| 2013 | pour la revue Biblio| livre des pôles
« Botta e risposta » (du tac au tac)©/ Biblio livre d'Italie (poème & illustration sur la botte)
Le 10/03/2014
(1) Les bottes de sept lieues sont des bottes magiques qui s’adaptent à la taille de celui qui les chausse et permettent de parcourir sept lieues en une seule enjambée.
(2) Bruit de bottes : menace de coup d'État militaire, menace de guerre.
(3) La botte secrète : manière inattendue et imparable, particulière à un tireur d'épée ou de fleuret, de porter un coup à son adversaire.
(4) La douceur de vivre
(5) Se tenir (être) droit dans ses bottes : garder une attitude ferme et déterminée, sans plier. Avoir la conscience tranquille (même à tort).
(6) Chercher une aiguille dans une botte de foin : chercher une chose presque introuvable. Vouloir réaliser une chose extrêmement difficile.
(7) Mettre (avoir) du foin dans ses bottes : accumuler (avoir) beaucoup d'argent.
(8) Proposer la botte : proposer une relation sexuelle. La botte fait ici référence à l'estocade portée au cours d'un duel à l'épée et par métaphore au sexe masculin.
(9) En avoir plein les bottes : être très fatigué après une longue marche.
(10) Donner la botte aux puces (populaire) : aller se coucher.
(11) Le tour est joué (traduction)
Légèreté de l'instant présent/ Poème de saison janvier 2013
Le 10/03/2014
Le ciel s'étire,
bleu pur, blanchâtre.
Verticalité citadine,
les façades réfléchissent
des brins de soleil épars.
Impact. Éblouissement.
Évaporation dans l'air,
le temps...
Sentiers pavés,
ville endormie,
passants éphémères.
Un fêtard ensommeillé d'alcool
partage,
fenêtre ouverte
sur place vide,
les sons s'évaporent.
Les cafés somnolent,
les cafetiers émergent.
Accumulation de détails
Un quotidien, ici.
La mouvance de l'horloge
égrène deux coups,
au zénith.
Au creux de la ville,
à pas feutrés,
la balancelle du square
s'agite.
La vie est là.
C'est l'illusion du premier.
Le premier de l'année.